Plus qu’un ouvrage concernant les rapports ombrageux et controversés de l’art et de la pathologie, ce recueil est d’abord une rencontre, un creuset entre des champs, la clinique et la théorie qui, pour s’y confronter, excèdent les limites du « prêt-à-penser ». C’est pourquoi ici les divergences de méthodes et de perspectives entre des approches phénoménologique et psychanalytique ne dressent pas de strictes délimitations, mais font résonner des dissonances capables de laisser penser l’écart entre l’art et la pathologie comme établi sur une entr’appartenance plus essentielle, ne livrant rien de son secret à celui qui s’en tient à des distinctions de principe. Encore faut-il entendre pathologie en son sens grec, au sens où la rencontre avec le monde ouvre, dans le réel, une brèche incolmatable dont seul l’art peut authentiquement rendre compte et dans laquelle la psychose s’engouffre si aucune mise en œuvre ne vient l’endiguer ou la ressourcer. « Aussi ne faut-il pas s’étonner que penser l’art et penser la folie puissent converger dans la mesure où ni l’un ni l’autre ne sont conceptualisables. Finalement, penser l’art ou penser la folie, c’est avoir ouverture à eux, à travers les œuvres, à travers les êtres malades et cela n’est possible précisément que dans une rencontre. Qu’est-ce qu’une rencontre ? C’est cette situation qui n’a pas d’antécédent, qui n’a pas d’espace ni de temps qui puisse la précéder. L’épiphanie de quelqu’un dans le regard d’un autre implique nécessairement l’autophanie de celui-ci. L’échec de la rencontre, récusant tout passage lucide à l’ouvert, rejette le thérapeute sur sa facticité. C’est pour se dérober à l’épreuve sans partage de cette absence de soi, que la psychiatrie médicale, scientifico-médicale fait l’impasse sur la présence de l’autre, en objectivant tout ce qui touche à l’homme, en faisant de lui un cas particulier de cette objectivation universelle qui est la caractéristique de la culture de notre époque. » (Henri Maldiney).