Contrainte carcérale, soin et prise en charge en art-thérapie

Odile Girardin-Gantier
2019
Problématique:
Support: article
Langue: français

Ce texte propose une réflexion autour des questions du soin et de la santé en prison, à travers des ateliers d’art-thérapie. En effet, les questions que soulève la pratique de l’art orientée à des fins thérapeutiques, amènent à penser bien des liens entre l’individu et la société. La méthode écologique permet de prendre en compte l’individu dans une globalité de phénomènes, grâce à l’art-thérapie moderne spécifique à l’Association Française de Recherches et Applications des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine (AFRATAPEM) qui se présente comme une phénoménologie de l’action artistique à des fins thérapeutiques. Le phénomène artistique s’organise autour de quatre phases ; l’impression, l’intention, l’action, la production. Le résultat montre que l’art offre la capacité de mobiliser une transformation à travers l’utilisation de concepts et de phénomènes inhérents au phénomène artistique. La plasticité inhérente à l’organisation phénoménologique de l’homme peut être utilisée par l’art-thérapie. La prison transforme par sa violence, or l’art-thérapie peut aider à en diminuer l’empreinte nocive. En prison, les relations sont contrôlées et sont maintenues à un certain niveau de violence, cohérent avec la fonction du lieu. Ainsi, dans le cadre des soins proposés à un détenu, la question de la santé et du bien-être englobe celle du social et de sa prise en charge. L’appréciation des limites du supportable est de la responsabilité des soignants. Les soins en prison posent la question du supportable et, lorsque l’insupportable menace l’humanité de l’individu, la légitimité de la structure doit être questionnée. Le monde carcéral s’accorde une légitimité qui pourrait être entendue comme principe de transformation de la société. Le sortant de prison est porteur de violences qui s’ajoutent à celles qui précédaient son incarcération. En omettant de penser l’incarcération dans sa fonction et dans le temps, de la même façon que l’économie n’a pas pensé l’écologie, l’incarcération ne protège plus la société de la violence mais bien au contraire, elle la fabrique et la diffuse.
In: Evolution psychiatrique, 2019-04, Vol.84 (2), p.285-295