La précarité, ou les processus qui y sont liés, s’inscrit de manière spécifique dans le champ de la santé mentale. L’exclusion, pour les sujets les plus fragiles, peut renforcer un certain nombre de signes pathologiques ; nous ne pouvons cependant pas affirmer qu’elle entraîne de manière systématique des symptômes. Ces signes sont adressés directement aux professionnels du social ou du soin, exprimant une souffrance diffuse, difficile à circonscrire, que tente de contenir le terme de « mal être ».
L’exclusion dessine en effet un lieu dans lequel la personne est à la fois tenue hors du groupe social et de ses échanges symboliques, tout en y étant inscrite à part entière en tant que membre, par exemple sous le statut : bénéficiaire du rmi. Cette place « folle » et « affolante » à tenir peut rejoindre des problématiques identitaires profondes. Le sujet se trouve en effet pris dans une position intenable de devoir vivre entre deux places qui dans le même temps l’incluent et l’excluent. Il est donc supposé être dehors alors que les inclus sont eux censés être dedans. Entre dehors et dedans, l’écart se comble ou se creuse suivant le degré de « marginalisation » des sujets, qu’ils soient réels ou symboliques, et de leurs éprouvés. « L’exclusion laisse vivre sans permettre d’être » (Maisondieu, 2003). Cette dimension de la souffrance psychique est reliée intimement à des conditions de vie précaires. Certains sujets apprennent à gérer l’insécurité ; ils développent des stratégies de survie, d’autres ne peuvent pas y faire face. Cette situation accroît l’isolement et la vulnérabilité. Les personnes en grande détresse ne rencontrent pas ou plus les conditions qui leur permettraient de mettre en mots ou de traiter leurs difficultés. Elles déplacent la gestion de ces difficultés sur d’autres supports, comme la violence, des conduites addictives, l’errance ou encore la toxicomanie. Dans le cadre d’un travail en réseau autour de ces problématiques, travail qui aujourd’hui devient prioritaire, quelle place occupe l’art-thérapie ? Fait-on appel à cette forme de prise en charge alors que tout semble épuisé en termes de soutien ou peut-elle s’inscrire vraiment dans un parcours et un projet de soin pour ces sujets ?
[In: VST – Vie sociale et traitements, 110, 124-132]